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Vignette 6

29 juillet 2019

La pure

Les nuages ​​d'orage prenaient forme et, enroulant son magnifique foulard de soie, celui qu'elle savait depuis longtemps serrait nouée autour de sa gorge – pas délicatement, mais avec violence – Táhirih a prié et a jeûné entourée d'une myriade de bougies alors qu'elle se préparait spirituellement à la réunion avec son bien-aimé, celui qu'elle rencontrerait pour la première fois dans l’autre monde.



Combien de noms Táhirih a-t-elle portés au long de sa courte vie, combien de frontières interdites aux femmes a-t-elle franchies, combien d'âmes ont été enflammées d'amour pour son bien-aimé ! Née Fátimih Baraghaní à Qazvín, en Perse, fille d’un mujtahid, érudit en droit islamique, elle se trouvait maintenant dans sa chambre dans la maison du maire de Tehrán, prisonnière respectée depuis plus de quatre ans. Tandis que la femme du maire pleurait la perte imminente de sa chère amie, le fils du maire attendait de la conduire au lieu de son martyre, après avoir promis d’assurer qu’elle ne serait ni molestée ni forcée de se déshabiller.

Qui était cette femme remarquable ? Même si elle avait été élevée dans l'ombre de sa maison, son père indulgent, Haji Mullá Salih, lui avait permis d’être instruite par un tuteur. Belle et brillante et connue sous le nom de Zarrin-Taj, ce qui signifie « couronnée d'or », elle a surpassé ses frères dans ses études, poussant son père à dire : « Aurait-elle été un garçon, il aurait alors illuminé ma maison et m'aurait succédé. » Elle avait même été autorisée à assister aux conférences de son père derrière un rideau. Sa réputation de fine poétesse lui avait valu sa renommée.

Une lectrice avide, un jour fatidique, en rendant visite à son cousin Mulla Javád et, tout en parcourant sa bibliothèque, elle a aperçu des écrits de Shaykh Ahmad et de Siyyid Kázim. Enchantée par cette lecture, elle a demandé à son cousin de lui envoyer ces livres. Il a refusé, affirmant que son père serait très mécontent s'il trouvait ces livres en sa possession. « J'ai cherché la vérité pendant de nombreuses années. Envoie-moi ces livres, je vais m’occuper de mon père. »

Non seulement a-t-elle fait lecture de ces livres ouvertement, elle en discutait avec son père, qui se moquait de ses croyances naissantes. Déterminée à en savoir davantage, elle écrivit un article appuyant les enseignements de Cheikh et les envoya à Siyyid Kázim lui-même. Bientôt, une correspondance secrète pris naissance. Siyyid Kázim, touchée par son dévouement et son intelligence, lui répondit : « O toi, qui es le réconfort de mes yeux…», elle est devenue ainsi Qurratu'l-Ayn, « le réconfort des yeux. » Déterminée à assister aux conférences, elle y parvint en obtenant la permission de visiter les célèbres sanctuaires de Karbila. À son arrivée, cependant, elle découvrit que Siyyid Kázim était décédée dix jours auparavant, elle en demeura le cœur brisé. Cependant, elle est restée et a assistée aux cours, donnant quelques-uns de ses cours elle-même – derrière un rideau, bien sûr.

Une nuit, suite à une période de jeûne et de prière durant laquelle elle avait un grand désir de découvrir qui pouvait bien être le Promis, dans un rêve elle aperçut un jeune homme flotter dans les cieux, son visage brillant comme un soleil de midi, ses bras levés dans la prière. Il portait un long manteau noir et le turban vert d'un siyyid. Les paroles découlaient comme une rivière de ses lèvres et, saisissant une partie de ces mots, à son réveil et imprégnée de joie, Qurratu’l-Ayn écrivit ces paroles immédiatement. Lorsqu'elle reçut une copie de la tablette de Báb sur le Surih de Joseph qu’Il avait révélé à Mullá Husayn elle lut les paroles mêmes entendues en rêve. Elle sut alors qu'elle avait enfin trouvé le Bien-aimé. Après avoir appris que son cousin Muhammad-'Alí-i-Qazvíní avait également accepté le Báb et se préparait à lui rendre visite, elle lui tendit une lettre à remettre au Báb, précisant : « Dites-lui de ma part : La splendeur de ta face éclate au loin et le rayonnement de ton visage s'élève. « Prononce cette parole : « Ne suis-je pas ton Seigneur » et nous répondrons tous : « Tu l'es, tu l'es. » (Shoghi Effendi, La chronique de Nabil). C’est ainsi que Muhammad-‘Alí est devenu la 16ème lettre des vivants et Táhirih a été nommée la 17ème lettre des vivants, la seule femme dans cette société d’âmes exaltées.

L’une des premières femmes à accepter le Báb comme résultat de ses efforts d’enseignement n’était nulle autre que l’épouse de Siyyid Kázim, qui aimait Qurratu’l-‘Ayn comme une amie très chère. D'autres femmes stellaires la rejoignirent, telles que la mère et la soeur de Mullá Husayn et son compagnon proche, Shams-i-Duhá. Ces dames étaient des docteurs de la Foi, humbles mais ardentes et bien informées.



Elle a enseigné sa nouvelle foi sans crainte. Dans chaque village ou ville qu'elle a visité, elle a enflammé de nombreuses âmes, mais elle a également irrité le clergé, qui, intimidé par son talent, l'ont souvent expulsée de leurs communautés. Ayant reçu des informations faisant état de ses actes et craignant pour sa sécurité, son père l'a suppliée de revenir à Qazvín, ce qu'elle a accepté à contre-cœur. Elle a ensuite eu une vilaine confrontation avec son mari à l'esprit borné, Mullá Muhammad – un cousin qu'elle avait épousé à l'âge de 13 ans selon les souhaits de sa famille et avec qui elle avait eu trois enfants – et son beau-père, l’indigné Mullá Taqí. Lorsque celui-ci l'a frappé de colère, elle l'a simplement regardé et lui a dit : « O mon oncle, je vois du sang qui emplie votre bouche ! »

Lorsque son mari a demandé qu'elle reprenne sa vie d'épouse et de mère, elle a refusé, affirmant que « ni dans cette vie ni dans la suivante ne pourrais-je jamais être associée à vous. Je vous ai chassé de ma vie pour toujours. » En quelques mois, il l’a divorcé et est devenu son ennemi mortel. Lorsque son ancien beau-père a dénoncé Cheikh Ahmad et Siyyid Kázim en chaire, il a enragé Mullá Abdu’lláh, un homme qui n’était pas un Shaykh, mais qui les respectait énormément. Une nuit, alors que Mulla Taqí priait, il s'est glissé derrière lui dans la mosquée et l'a poignardé à la gorge. Cela a déclenché une tempête de persécution et de meurtre d'innocents bábís. Mullá Muhammad, cherchant à se venger, se souvint des paroles de Tahirih et l’accusa du meurtre de son père. Elle a été arrêtée, mais Mullá Abdu’lláh a finalement avoué le meurtre. Et elle ? Une nuit, grâce à l'aide de Mírzá Husayn ‘Alí, elle a été emmenée chez lui à Téhéran.

Pendant qu’elle était là, elle s'est retrouvée entourée d’une compagnie exaltée, incluant Vahíd. Un jour, Qurratu’l-Ayn rebondissait sur ses genoux Abbas Effendi, le fils de Mirza Husayn ‘Ali, âgé de deux ans, alors qu’ils écoutaient Vahíd exposer un enseignement religieux obscur. Elle a décidé qu'elle en avait assez. « O Yahyá! », lui a-t-elle dit, « Cessez de répéter les traditions du passé, car le jour du service, d'action inébranlable est arrivé. Que les actes, non les paroles, soient notre parure ! »

En juin 1848, Mírzá Husayn ‘Alí avait loué trois jardins dans le hameau de Badasht : un pour lui-même, maintenant appelé Bahá’u’lláh, un pour Quddús et un pour elle, qu’il baptisa Táhirih, la pure. Quatre-vingt-un bábís ont été invités à cette conférence dont le but externe était de trouver des moyens de libérer le Báb, désormais prisonnier de la forteresse de Chiríq, mais dont le véritable objectif a rapidement été révélé lors d'un événement organisé secrètement entre Bahá'u'lláh, Quddús et Táhirih. Il vint un jour où la foi de tous les bábis furent mise à dure épreuve.

Vers la fin de la conférence, Bahá’u’lláh a déclaré qu’il ne se sentait pas bien et est resté sous sa tente. Pendant ce temps, Quddús et Táhirih se disputèrent sans résolution. Tandis que les bábis et Quddús tenaient compagnie à Bahá’u’lláh, reconnu comme étant le bábi ayant le plus d'autorité, un messager est arrivé et a demandé à ce que Quddús lui rende visite. « Je me suis complètement séparé d'elle », a-t-il déclaré, en refusant de la voir. Le messager a retiré son épée et l’a prié de lui couper la tête ou de retourner dans le jardin de Táhirih. Soudain, elle apparut sans son voile, son beau visage révélé à tous. Quelle liberté cela a dû être de sentir le soleil et l'air sur son visage nu ! Les bábis ont été tellement choqués que la plupart d'entre eux se sont enfuis terrorisés devant une rupture aussi nette de la loi musulmane, un homme s'étant même égorgé. Elle s'approcha de Quddús et s'adressa à tous ceux qui restaient dans la tente. « Je suis la Parole que le Qa'im doit prononcer, la parole qui mettra en fuite les chefs et les nobles de la terre ! » Où le prophète Mahomet avait jadis mis à rude épreuve ses disciples en changeant le point d'adoration de Jérusalem en Ka'aba en Arabie, son action a maintenant annoncé hardiment la foi bábí en tant que religion indépendante. À la sortie de la conférence, toutefois, elle a été arrêtée et envoyée à Téhéran.

Bien qu'elle n'ait que 36 ans, elle attendit son martyre avec calme et rayonnement. Selon ses instructions, les gardes ivres du jardin d'Ilkhani ont accepté de l'étrangler avec son mouchoir et de permettre que son corps soit jeter dans un puits et recouvert de pierres. Avant de laisser ses bourreaux faire leur acte diabolique, cependant, Táhirih, la pure, déclara fièrement : « Vous pouvez me tuer si vous le voulez, mais vous ne pourrez jamais arrêter l'émancipation des femmes ! »


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