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Vignette 3

17 mai 2019

QUELLE EST L’OEUVRE DE DIEU? [1]

Une tristesse et une inactivité avaient envahi les disciples de Siyyid Kázim suivant la mort de leur maître trois semaines précédentes. Tous semblaient perdus et affligés. C’est ainsi que Mullá Husayn, un condisciple, les trouva lorsqu’il rentra à l’école Shaykhí à Karbilá, en Iraq, après avoir visité sa demeure à Bushru’i, en Perse. Il tenta de les consoler et leur rappela qu’ils devaient accomplir leur mission en tant que Shaykhís : se consacrer à la recherche du Promis. Il les réprimanda et leur dit que leur obligation était de se lever et de suivre les volontés de leur chef défunt.



« Vous souvenez-vous, dit Mullá Husayn, de ce que nous a dit notre maître avant sa mort? » « Oui, » répondit un élève. « Dispersez-vous de tous côtés, détachez-vous de toutes choses terrestres et, en toute humilité et piété, suppliez votre Seigneur de vous soutenir et de vous guider. Ne relâchez jamais votre détermination de chercher et de trouver celui qui est caché derrière les voiles de gloire. Persévérez jusqu'au moment où il vous aidera par sa grâce et vous permettra de le reconnaître, lui qui est votre guide fidèle et votre maître. Soyez fermes jusqu'au jour où il vous choisira pour compagnons et défenseurs héroïques du Promis. »

Malgré cela, ils déclarèrent tous qu’ils reconnaissaient leur erreur et sa grandeur. Ainsi, s’il prétendait être le Promis, ils se soumettraient tous à lui. « A Dieu ne plaise! » s'exclama Mullá Husayn, horrifié. « Loin de sa gloire le fait que moi, qui ne suis que poussière, je puisse être comparé à celui qui est le Seigneur des Seigneurs! Si vous parliez selon le ton et le langage de Siyyid Kázim, vous n'auriez jamais prononcé de telles paroles. » Néanmoins, les élèves donnèrent tous l’un après l’autre des prétextes pour demeurer à Karbilá. Réalisant le degré de leur découragement, Mullá Husayn cessa de leur parler et se retira, avec son frère et son neveu, pour aller accomplir la mission importante que Siyyid Kázim avait donné à ses élèves.

En route pour Najaf, ils s’arrêtèrent à une mosquée dans la ville de Kufah où ils passèrent quarante jours à jeuner et à prier en préparation à la sainte mission qu’ils allaient accomplir. Treize compagnons Shaykhí se joignirent bientôt à eux, ayant finalement décidé d’entreprendre eux aussi la recherche. Mullá Husayn, son frère et son neveu poursuivirent leur route et se rendirent à Bushíhr, où l’âme de Mullá Husayn commença à percevoir les doux parfums de la présence de son Bien-Aimé. Lui et ses compagnons furent attirés comme par un aimant vers le nord à la ville de Shíraz. En arrivant aux portes de cette ville, quelques heures avant le coucher du soleil, Mullá Husayn envoya ses compagnons trouver un endroit où loger et leur promit de se joindre à eux pour la prière du soir.

Alors qu’il marchait au-delà des murs de la ville, Mullá Husayn vit soudainement un jeune homme au visage rayonnant et portant un turban vert s’avancer vers lui. Cet étranger le salua avec un sourire d’affectueuse bienvenue, l’embrassa avec une tendre affection et l’invita chaleureusement à se rendre chez lui. Surpris, Mullá Husayn demanda à être excusé car ses deux compagnons avaient déjà trouvé un endroit où loger et l’attendaient. « Confiez-les aux bons soins de Dieu! répondit le jeune homme; Il les protègera et veillera certainement sur eux. » Il invita ensuite Mullá Husayn à le suivre.

Étonné par cette rencontre, Mullá Husayn sentit qu’il devait suivre cet homme mystérieux à sa demeure modeste. À leur arrivée, Mubárak, le serviteur éthiopien du jeune homme, ouvrit la porte. « Entrez ici en paix et en sécurité, » dit Siyyid ‘Alí-Muhammad. Alors qu’il suivait Siyyid ‘Alí-Muhammad dans l’escalier vers sa chambre, un sentiment de joie inexprimable envahit son être. Est-ce que cet homme lui permettrait de se rapprocher de l’objet de sa recherche? Avec une courtoisie incomparable, Siyyid ‘Alí-Muhammad fit apporter de l’eau et une serviette pour que Mullá Husayn puisse se laver les mains et les pieds souillés par la poussière du voyage. Le thé fut ensuite servi, mais Mullá Husayn se leva peu après et demanda à être excusé, expliquant que son frère et son neveu l’attendaient. « Vous avez certainement subordonné l’heure de votre retour à la volonté et au plaisir de Dieu. Il semble que sa volonté en ait décrété autrement. Vous n’avez pas à craindre d’avoir rompu votre promesse, » lui dit son hôte.



Ils parlèrent ensuite de la communauté Shaykhí et de la mission qui leur avait été donnée. Après un certain temps, le jeune homme demanda à Mullá Husayn si Siyyid Kázim leur avait donné des indications quant aux caractères distinctifs du Promis? « Oui, il est de pure lignée; il est de descendance du prophète Muhammad, répondit-il. Son âge se situe entre vingt et trente ans. Il est de taille moyenne, s’abstient de l’usage du tabac et est dépourvu d’imperfections physiques. Il est doté d’un savoir inné qui ne peut venir que de Dieu. »

« Voyez, annonça Siyyid ‘Alí-Muhammad, tous ces signes sont manifestes en moi ! » Mullá Husayn fus fort surpris par cette déclaration. Il répondit poliment mais avec audace à son hôte : « Celui dont nous attendons l'avènement est un homme d'une sainteté inégalée, et la cause qu'il doit révéler est d'une puissance extraordinaire. Que de fois Siyyid Kázim ne nous a-t-il pas dit: "Mon propre savoir n'est que goutte, comparé à celui dont il a été doté. Que dis-je, incommensurable en est la différence !" » À peine eut-il prononcé ces paroles que Mullá Husayn fut saisi d’une peur et d’un remords, et il pria secrètement Dieu, si son hôte se référait à nouveau à ce sujet, de lui demander de confirmer sa prétention et de le délivrer de l'angoisse et de l'incertitude qui oppressaient si lourdement son âme.

« Observez attentivement », répéta avec calme Siyyid ‘Alí-Muhammad. « La personne à laquelle Siyyid Kázim a fait allusion pourrait-elle être une autre que moi ? » Mullá Husayn lui présenta alors un traité qu’il avait lui-même écrit et se demanda de manière égoïste si le savoir de son hôte dépasserait le sien. Siyyid ‘Alí-Muhammad jeta avec bonté un coup d’œil sur le document, puis résolut parfaitement tous ses mystères et ses problèmes, en y ajoutant des vérités stupéfiantes qui étaient dotées d’un pouvoir vivifiant. Mullá Husayn était étonné et honoré. Son hôte prit ensuite sa plume et du papier et déclara que le temps était venu pour lui de révéler son commentaire sur la súrih de Joseph, un chapître du Qur’án. Mullá Husayn était abasourdi, se rappelant soudainement qu’un jour Siyyid Kázim avait dit que le Promis révélerait de son propre chef un commentaire sur ce même chapître.

Mullá Husayn observa avec émerveillement son hôte écrire d’une rapidité étonnante, sa voix chantant d’un ton mélodieux pendant que sa plume marquait le papier. Avec chaque note qu’il chantait et chaque mot qu’il révélait, il ressentait son esprit s’envoler toujours plus haut dans les collines et les vallées du paradis lui-même. Mullá Husayn, complètement transporté et dans un état d’extase, se rendit compte soudainement que le matin était venu quand il entendit l’appel à la prière de l’aube. La date était le 23 mai 1844. Son hôte s’adressa alors à lui en ces termes :

Ô toi qui es le premier à croire en moi! En vérité je le dis, je suis le Báb, la Porte de Dieu, et tu es le Bábu'l-Báb, la porte de cette Porte. Dix-huit âmes doivent d'abord, spontanément et de leur plein gré, m'accepter et reconnaître la vérité de ma révélation. Sans avoir été avertie ni invitée, chacune de ces âmes devra, indépendamment, chercher à me trouver. Et lorsque leur nombre sera complet, l'une d'elles devra être choisie pour m'accompagner dans mon pèlerinage à La Mecque et à Médine. Il vous incombe de ne pas divulguer, ni à vos compagnons, ni à toute autre personne, ce que vous avez vu et entendu. Soyez occupé à prier et à enseigner.

Ces dix-huit personnes, dont le premier fut Mullá Husayn et le dix-neuvième le Báb, devinrent connus sous le nom de « Lettres du Vivant ». Après avoir reçu des instructions du Báb, qui le laissa ensuite partir, Mullá Husayn quitta la demeure du Báb un homme.

[1] Samuel F. Morse envoya le premier message télégraphique aux États-Unis le 24 mai 1844, utilisant une citation de la bible: « Quelle est l’œuvre de Dieu? » (Nombres 23: 23). Cette citation avait été choisie par une dame nommée Annie Ellsworth.


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